LE PALAIS GALLIEN
 

INTRODUCTION
Nous sommes ici devant le Palais Gallien, dont il ne reste qu’une très faible partie de visible par rapport aux édifices équivalents dans des villes comme Saintes ou Arles, mais qui, à Bordeaux, constitue un des rares témoignages encore en place des édifices construits lors de l’époque gallo-romaine.

QU’EST-CE QUE C’EST ?
L’état actuel du bâtiment nous renseigne assez peu sur ce qu’il est réellement.
Déjà, autour du Xe siècle, plusieurs légendes apparaissent, voyant dans cette construction encore imposante, des palais.

Une de ces légendes, suivant la mode de l’époque carolingienne, met en scène l’empereur Charlemagne : ce dernier, fâché avec son père Pépin, se réfugie chez le roi Galafre à Tolède et l’aide à combattre le roi de Saragosse. Lorsque Pépin meurt, Charles revient en France avec la fille de Galafre, la belle Galiene, qu’il épouse après qu’elle eut embrassé la religion chrétienne. Charlemagne aurait fait bâtir pour Galienne le Palais de Bordeaux.
Les faits historiques permettent de douter plus que fortement de cette version

Une seconde légende, moins connue, nous est parvenue par le Livre des Bouillons, qui raconte l’histoire de Cenebrun, comte du Médoc, fils de Cenebrun roi de Bordeaux (fils de Vespasien) et de Galienne, fille aînée de l’empereur Titus :

"Ici est l’histoire contenant le mariage de Cenebrun, seigneur de Lesparre et de la fille du sultan de Babylonie.
La ville de BORDEAUX fut fondée, longtemps avant la naissance de J-C, par Titus et Vespasien, Empereurs de Rome. Elle reçut pour roi Cenebrun, second fils de Vespasien et gendre de Titus. La domination de ce prince s'étendit sur tout le midi de la Gaule. Les Piliers de Tutelle furent construits par lui et Galliene, sa femme fit bâtir le palais qui dans son temps passait pour le plus noble et le plus beau qui fut sous le ciel.... Son second fils Cenebrun devint Comte du Médoc ... Galienne, qui ne pouvait vivre sans son fils, fit faire, à travers les bois épais qui la séparaient du Médoc, un chemin, uni et droit comme une corde, qui allait de son palais jusqu'à la mer, : qu'elle parcourait dans son char d'or ..."

Ces légendes sont reprises par divers auteurs médiévaux, sans doute aussi par les conteurs satellites du pèlerinage vers Compostelle, s’imposant dans la mémoire collective puisque un extrait du Livre des Bouillons est gravé en 1999 sur les contremarches de la place du palais Gallien. Néanmoins, il semble que l’appellation « galien » n’apparaît pas avant le XIIe siècle.

Au XVIe siècle, Elie Vinet, humaniste et professeur au Collège de Guyenne, rend à l’édifice sa vocation première : ce sont bien des arènes, mais il en attribue la construction à l’empereur Gallien.

Jusqu’au XVIIe siècle, de nombreuses légendes évoquant la présence de trésors mènent à la réalisation de fouilles qui contribuent à la destruction du bâtiment.

HISTOIRE
Ce bâtiment a semble t-il été construit entre 193 et 235, à l’époque Sévérienne, alors que Burdigala connaît un développement et une prospérité incontestables grâce à la pax romana, en tant que carrefour commercial, lieu de négoce et de foires, et grand pays viticole depuis l’introduction de la vigne au Ier siècle (plants ramenés d’Albanie.)

Les arènes sont construites à l’extrême limite nord-ouest de la ville, près des champs funéraires, ce qui permettait d’évacuer facilement les cadavres des gladiateurs, des animaux qui y combattaient ou des prisonniers barbares qu’on y exécutaient.

Elles ont été certainement incendiées par les envahisseurs Germains en 276-277, ou abandonnées après les invasions lorsque la ville se replie derrière les remparts médiévaux plus étroits que la muraille gallo-romaine : le monument se retrouve à 600 mètres des fortifications et sert même de carrière lors de leur construction.

Presque ignorées jusqu’à Élie Vinet, isolées au milieu des vignes sur les coteaux du faubourg Saint Seurin, les ruines continuent à être exploitées comme sources de matières premières. On les décrit au XVIIe siècle comme un lieu propice aux commerces les plus douteux : prostituées, duellistes et truands se cachent dans les recoins de l’édifice. De Lancre dénonce l’existence de sorciers dans ces lieux, mais il est vrai qu’il en voyait partout…

Au XVIIIe siècle, la prospérité due au commerce colonial fait que Bordeaux commence à rejoindre le colisé, d’où de nombreuses spéculations autour des terrains mitoyens et la destruction progressive de l’édifice, avec l’utilisation des matériaux. On peut même observer à plusieurs endroits, comme au-dessus de la place du palais Gallien, que les bâtiments s’appuient parfois sur les murs gallo-romains.

A la Révolution, ce qu’il reste des arènes sert de campement aux troupes, puis est utilisé comme décharge. On envisage ensuite d’en faire un cimetière mais la solution adoptée est d’en faire un seul grand : celui de la Chartreuse.

En 1792, les terrains sont mis en vente aux enchères, mais ont peu de succès. Certains commencent à apercevoir l’intérêt patrimonial du site mais l’aménagement du quartier, avec le percement de voies (on utilise la poudre pour miner les solides murs), de nouvelles constructions, se poursuit jusqu’en 1800, date à laquelle le Préfet Thibaudeau prend des mesures de protection.
Le site est classé « Monument historique » en 1911.

ARCHITECTURE
Les axes du bâtiment ne correspondent pas à ceux du cardo et du decumanus.
Il avait le même aspect monumental que les arènes d’Arles ou Nîmes (mais sans galerie annulaire, tout comme à Saintes, Périgueux ou Poitiers : style régional ?), avec deux étages de murs à arcades, bâtis en opus mixtum, où alternent sept rangs de moellons (calcaire de Blaye) et trois arases de briques (assurant l’élévation de murs de niveau).
Six enceintes concentriques, de hauteurs (maximum 21 m.) et d’épaisseurs décroissantes (entre 1m70 et 66 cm) soutiennent les gradins (cavea) et le toit dont l’architecture peut être en grande partie reconstituée en étudiant sur les murs la disposition des trous dans lesquels s’inséraient les poutres. Des murs perpendiculaires reliaient les différentes enceintes.

De forme ovoïde, avec un grand axe mesurant 132 m de longueur, 110 m de largeur, le bâtiment accueillait plus de 22 000 spectateurs. L’arène elle-même faisait environ 70m sur 46. Les spectateurs se répartissaient dans les différents gradins en fonction de leur niveau social en utilisant les séries d’escaliers, une par étage, et les paliers annulaires. Une reconstitution se trouve au musée d’Aquitaine.

A chaque extrémité du grand axe se situaient une porte monumentale dont il ne subsiste que celle situé à l’ouest (l’autre est détruite fin XVIIIe). Elle s’ouvraient directement sur l’arène et accueillaient les processions de notables et de gladiateurs. Animaux et prisonniers utilisaient des portes latérales. Les combattants se préparaient dans des loges sous les gradins.
Lors des combats, les portes étaient fermées par des barrières de bois.

L’arcade de chaque porte (8,80 mde haut sur 5,85 m de large) est encadrée par des pilastres dont les chapiteaux supportent une sorte d’architrave sur laquelle repose un entablement. A l’étage, trois arcatures, dont deux aveugles, accueillaient certainement des statues. Le tout était surmonté d’un attique.

CONCLUSION
La situation excentrée des arènes de Burdigala a nuit à sa conservation. L’essentiel de la destruction s’est fait au XVIIIe siècle, ce qui fait que quelques gravures nous sont parvenues et permettent d’avoir une assez bonne idée de l’ensemble de l’édifice.original. La situation est moins évidente pour les autres monuments gallo-romains de la ville qu’on va voir plus loin.

Deux liens ressources :
http://www.chez.com/woozwoo/palaisgallien/
http://www.simulacraromae.org_burdeus_visita.htm